RUN COL DE VAL LOURON-AZET
Il y a des signes qui ne trompent pas : l'achat de pompes de trailpendant les soldes, un magazine de trail en achat impulsif à la maison
de la presse (avec un article "passez du Marathon au trail" qui m'a tout
de suite parlé et qui me sert de tapis de souris improvisé à l'heure
d'écrire ce CR), une montagne qui me narguait en guise de vue de la
terrasse de notre loc à Loudenvielle,une sortie "nature" à la forêt de
Buzet pour mon premier run des vacances et pour tester les sus-citées
pompes de trail, une nouvelle catégorie "trail" rajoutée dans mon cher
carnet d'entraînement Excel...bref hier j'ai eu ma première expérience
"Trail". Voici mon CR pour partager tout cela avec vous. Après
2 jours passés à Loudenvielle, le matin tant attendu est arrivé. Depuis
quelques semaines, inconsciemment et insidieusement, je savais que
j'allais me frotter à un sommet, un col, peu importe. Je ne savais pas
encore quoi mais je devais "monter" quelque part. Mon choix s'est
rapidement porté sur le Col de Val Louron-Azet à 1580m au départ de
Loudenvielle (967m) en suivant le GR10 (celui qui traverse les Pyrénées
d'Est en Ouest). La veille, j'avais déjà pris un
rapide contact avec les chemins nature et les pentes pendant un petit
run de quelques kilomètres. Cette
journée qui sentait bon l'objectif personnel a pourtant commencé en
famille avec la reprise du running pour Madame w@sp après 4 ans d'arrêt
et 2 maternités. En coach running improvisé, je me suis calé en meneur
d'allure cool à 7-8km pour lui éviter de se dégoûter par un départ trop
rapide et une inévitable explosion au bout de 10 minutes. La tactique a
manifestement été payante puisqu'elle s'est régalée de son tour de lac
au petit matin pendant 3,5km en 28 minutes.Le premier objectif de la journée était atteint. Le
temps de remettre le chronomètre à zéro et de laisser Madame savourer
son shoot d'endorphine sur le parking de la résidence et il était temps
de passer au deuxième objectif de la journée, le mien. Le parc qui me séparait du point de départ fut rapidement traversé et voila j'y étais enfin, mon ascension pouvait commencer. Les
premiers mètres furent idylliques. La pente était plutôt douce, le
chemin large et à peine caillouteux, la forêt matinale et humide
m'offrait ses plus beaux paysages et ses odeurs enivrantes.Évidemment,
cela n'a pas duré. Le chemin s'est rapidement fait plus étroit, plus
caillouteux et la pente...moins douce, carrément brutale même. Même
les moins fortiches en math d'entre vous pourront vite calculer que
500m de dénivelé sur 5km de distance, cela fait une pente moyenne de
10%. Sur ce GR la notion de "moyenne" se traduit par des petits faux
plat à 5% et des murs jusqu'à 18%. Il était donc là mon
adversaire du jour. Il ne se mesure pas en Km ou en minutes celui là.
Il vous brise les quadriceps et vous étouffe jusqu'à ce vous vous
résigniez à marcher. "Marcher", ce mot qui résonne comme un échec pour
le marathonien bitumard que je suis. Aujourd'hui, je vais devoir
l'accepter, l'utiliser. Heureusement que mes quelques lectures sur les
courses en "montée" ont préparé mon orgueil à accepter ce passage obligé
et ce nouvel état d'esprit.Comme un jeune Jedi qui apprend à
ressentir la Force, j'ai eu la joie de voir que j'acceptais ces passages
marchés, que je me concentrais sur l'objectif, que j'appréciais cet
environnement délicieusement hostile, préservé, sublime. Je prenais même
le temps de lever la tête pour m'offrir un tour d'horizon. Malgré
le décor, l'effort était raide. Ma montre cardio était bloquée à plus
de 90% de FCM, mes quadris prêts à exploser et mon souffle ressemblait
plus à un vieil aspirateur fatigué qu'au bruit feutré et régulier de mon
allure marathon.Le moral pris un coup à la lecture de mon allure instantanée sur l'écran de ma montre : 14 minutes au kilomètre !Dur quand on est habitué à voir du 5 minutes/km environ... "Allez, c'est pas le moment de flancher, après la montée il y aura une descente comme récompense."Arrivé
à la ferme que je voyais de la terrasse de la loc, je compris que
j'étais loin de la fin de mon périple. Après 400 mètres de dénivelé en
35 minutes environ et 3km seulement, le brouillard épais laissait
deviner un horizon de côtes et de vallons au milieu des pâturages. Le
col était encore à 2Km et 200 mètres de dénivelés environ. Caché dans
l'épais brouillard. Parlons
en du brouillard. Alors qu'une marque du GR m'indiquait de descendre
dans un vallon ("je ne suis pas censé monter?") je me suis un peu égaré
incapable de voir la prochaine marque et la direction à suivre. Je me
suis retrouvé coincé au bord d'une immense flaque de boue profonde à
coté d'un abreuvoir à vache. Le troupeau ne devait pas être loin,
j'entendais une fanfare de cloches tout près mais impossible de voir le
moindre ruminant dans cette mer de brouillard humide et glaciale. Je me
félicitait d'avoir emporté mon coupe vent testé lors du dernier Marathon
d'Albi sous la pluie.Que faire? Et surtout, où aller?
Manifestement j'étais perdu et c'est en me décidant à rebrousser chemin à
la recherche de cette fichue marque que j'ai ressenti une joie immense
et savouré pleinement ce qu'étais la course en pleine nature. Je n'avais
plus envie de regarder mon allure sur ma montre. La satisfaction venait
d'ailleurs aujourd'hui. Il suffisait d'arriver en haut. Je me suis même
décidé à d'immortaliser cette expérience avec quelques photos de cette
mare de boue que je ne suis pas prêt d'oublier. Ce fut mon bénitier. A
ce moment précis je me suis senti trailer. J'ai pensé à la Diagonale des
Fous, à l'UTMB et j'ai enfin envié les participants de ces défis hors
normes qui peuvent s'enfiler l'équivalent de 10 fois le kilométrage et
environ 15 fois le dénivelé de mon parcours du jour... J'ai
finalement retrouvé ma trace (et même remis sur la bonne route un couple
de randonneurs également un peu égarés). La pente se fit plus douce et
j'ai pu parcourir le dernier kilomètre en courant à nouveau et plus en
marchant (pour ne pas dire ramper, patauger ou escalader). Je traversais
allègrement les massifs de fougères gorgés d'eau et qui m'arrivait
jusqu'aux épaules. Ces douches à répétition furent ma bénédiction, j'ai
pris un plaisir enfantin et sincère à me faire asperger et sortir
ruisselant de ces bosquets. J'étais trempé jusqu'aux os et recouvert de
boue jusqu'au genoux. Quel pied ! J'ai sans doute ressenti ce que doit
ressentir mon miniw@sp1 à sauter dans des flaques d'eau et me regarder
hilare ensuite. C'est vrai que c'est marrant !Avec l'âge, je l'avais
oublié. Parents : ne grondez jamais vos enfants quand ils feront cela,
faites le avec eux plutôt ;-) Quelques
centaines de mètres plus loin et après un retour sur un semblant de
route, j'aperçus enfin mon Graal à travers le brouillard : le panneau
qui indiquait "Col de Val Louron-Azet (Alt. 1580m)"Ca y est j'y étais arrivé après 5km d'une ascension intense en 1heure environ. Je
pouvais savourer en sachant que la descente qui m'attendait n'allais
être que du bonheur et que j'allais pouvoir être à l'heure pour l'apéro
en famille bien mérité. Le temps de quelques photos au
pied du panneau avec la complicité de 2 randonneurs espagnols sympas
(mais qui ont eu du mal à apprivoiser mon vieil Xperia Mini pro que
j'avais emporté en guise d'appareil photo), de vider mes chaussures des
gravillons récoltés pendant l'ascension, de boire un petit coup de mon
bidon Isostar Cola et j'étais reparti. Inévitablement
la musique du groupe Two doors cinema club m'est venu en tête. C'est
leur chanson "what you know" qui accompagne la scène de la descente de
Killian Jornet du Mont Olympe dans le reportage "Intérieur sport" qui
lui est dédié (et qui est sans doute pour beaucoup dans le fait que je
me sois retrouvé là ce jour là...impossible de ne avoir envie de partir
gambader dans la montagne après avoir vu ça).Cette chanson me
renvoie une grisante sensation de légèreté, de vitesse, de liberté qui
va parfaitement avec une descente où on peut enfin lâcher les chevaux
après une longue montée au frein à main : c'est la récompense, le
bonheur. Le brouillard décidément joueur aujourd'hui
m'a fait faire un nouveau détour imprévu dans la station de Val Louron
avant de retrouver mon GR que je n'ai plus perdu jusqu'à l'arrivée.La
petite trentaine de minutes de descente fut euphorique. J'ai recroisé
et salué les randonneurs perdus croisés plus tôt en les dépassant
version Ferrari contre tracteur, j'ai encore fait une pause dans un
secteur plus glissant et lent pour photographier la rivière qui me
servait de chemin et la petite cascade un peu plus haut, j'ai
littéralement volé sur les passages plus roulant sous les yeux des
randonneurs pépères chargé de leur lourds sac à dos (je n'avais emporté
que mon porte-bidon et ma montre). J'ai ignoré le réveil de ma vieille
tendinite à la patte d'oie de mon genou sentant l'arrivée proche. Un peu
trop même, je suis arrivé trop vite dans un virage serré et j'ai finit
le cul dans l'herbe. Un fois les muscles refroidis, j'ai du constater
que j'avais payé par une petite entorse de la cheville cette cavalcade
effréné. Ça en valait cent fois la peine.Je suis enfin arrivé
dans le parc paisible et plat de Loudenvielle, à quelques mètres de ma
résidence. J'étais euphorique, j'avais envie de dire bonjour à tout le
monde, même à la mémère qui promenait Pépète (ce que j'ai fait
d'ailleurs). Avec
un peu de recul, il me reste l'impression d'avoir franchit un nouveau
cap dans mon expérience de la CAP. Pas aussi important que mon premier
Marathon mais plutôt l'impression d'avoir trouvé un nouveau chemin
synonyme d'efforts différents, de liberté, de se retrouver à nouveau
soumis à l'élément naturel qu'il faut apprivoiser ou subir comme dans ma
précédente vie de surfer/windsurfer que je retrouverais sans doute dans
quelques années quand les miniw@sp auront un peu grandit. Cette
première grande expérience en course nature (même si extrêmement
modeste avec seulement 10 petits Km et moins de 800m de D+, autant dire
un petit entraînement pour les trailers plus expérimentés qui lisent ce
CR) aura pourtant été brutale pour moi : une grosse montée pendant
laquelle j'ai trop souvent marché alors que je préfère courir, une
grosse descente qui aurait pu être un calvaire pour mes genoux si elle
avait été un peu plus longue. A l'avenir, j'essaierai
de choisir des parcours un peu moins pentus pour rester du coté running
et ne pas tomber dans la rando sportive. C'est d'ailleurs ce que j'ai
fait aujourd'hui avec un 15km et 560m de dénivelés beaucoup mieux
répartis sur le parcours (ce que ma cheville n'a pas du tout apprécié et
à qui je vais accorder quelques jours de repos). Voila,
ce CR est terminé. Pour la suite je lorgne déjà sur une ascension du
Canigou et une participation à un trail de 20-30km mais ça, ça sera
après mon 2ème Marathon de Toulouse fin octobre. Une nouvelle
expérience...moins salissante sans doute ;-)
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