PREMIER DOSSARD (ATTENTION LONG TEXTE)
Dimanche 23 Juin 2013. Un jour important pour moi. Ce dimanche matin je me lève immédiatement à 6h45 dès la sonnerie du réveil. J’ai mis mon réveil. Un dimanche matin. Pour ce jour important. Car ce jour là, jour de la course des 10kms de l’Equipe, est ma récompense. Ma récompense pour 3 mois d’efforts, 3 longs mois d’arrêt de la cigarette, la plus longue période sans toucher à une cigarette depuis au moins 18 ans. 3 mois à me lever au moins deux fois par semaine, souvent 3 fois, plus rarement 4, pour faire un truc qui aujourd’hui encore me paraît totalement dingue : courir. La veille, j’ai soigneusement préparé mes affaires, épinglé le dossard sur mon tshirt afin d’éviter du stress inutile mais surtout pour éviter de réveiller toute la maisonnée par mes hurlements lorsqu’inévitablement je me serai explosé un doigt de pied sur un lego vicieusement aiguisé et stratégiquement placé près de ma penderie ou sur le coin d’une chaise d’enfant renversée qui a inexplicablement servi de char « pour faire comme dans Star Wars » au milieu du salon. Mes affaires préparées sur une chaise, face à la cloison coulissante de notre chambre, même avec 3grs d’alcool dans le sang je devrai les trouver, à fortiori encore plus facilement avec seulement du caca d’œil de la nuit au coin de la paupière. Je me prends mon petit déjeuner, lui aussi préparé la veille (on va limiter le bruit des portes de placard qui claquent), je ne suis pas encore totalement réveillé mais plus vraiment endormi. Un œuf dur, quelques céréales, un café et surtout de l’eau. J’ai plutôt bien dormi, je prends mon temps puisque je suis bien en avance, le départ est à 10h mais j’ai visé large afin d’évité la digestion traîtresse, je sais que j’y suis sensible depuis mes premiers examens d’étudiant, je n’y couperai pas mais plus tôt je mange, plus tôt je règlerai ce problème. Je profite de l’aurore que je peux admirer de ma cuisine, je lis mes mails et me balade sur internet via ma tablette, je trainasse, je prends le temps, c’est quasi directe de chez moi ; départ vers 8h et quelques, métro Porte de Versailles, changement à Concorde, descente à Bastille et on y est ! Je partirai un peu en avance pour profiter tranquillement, trouver les consignes pour poser mon petit sac, m’échauffer en rejoignant le départ et rejoindre mon sas 55’. C’est ma première course préparée, il y a forcément de l’appréhension. Je me suis inscrit dans un sas « moins de 55’ », je sais que je suis capable de courir 10kms en moins d’une heure mais en moins de 55’ ? Jamais fait en préparation. J’avais le choix entre « moins de 55’ » ou « une heure et plus ». Ils auraient eu un sas « 58 voire 57’ avec le vent dans le dos » ; j’aurais pris tout de suite mais ils avaient pas. Quand j’ai commencé à courir, je visai la corrida de Noël d’Issy les Moulineaux en moins d’une heure. Quand une semaine après j’ai arrêté de fumer et que la course à pied s’est imposée comme le moyen évident d’alléger le poids de journées sans cigarettes, j’ai visé une course plus proche plutôt qu’attendre Noël, pour que l’objectif soit plus facile à s’approprier, plus prégnant. Les 10kms de l’Equipe se sont imposée naturellement. Pour m’occuper l’esprit et penser à la CAP qui me passionne de plus en plus plutôt qu’à la cigarette, je m’étais bricolé un plan maison, hors de question de vouloir suivre un plan proposé par les revue ou les sites spécialisée, c’est pour les vrais coureurs, moi je débute. J’ai fumé des années, je n’ose même pas faire un test VMA : courir 6’ à bloc c’est du suicide pour moi, au bout d’une minute je vais mourir soit asphyxié soit partir en fumée après combustion spontanée. Alors je me suis entraîné dans mon coin tranquillement, à découvrir ce sport qu’est la course à pied. Au tout début je décidais de ne faire que des footings pendant un bon mois et demi, 2/3 fois par semaine quand je le pouvais, c’est que c’est pas facile quand on a jamais couru, y a des impacts, j’ai plus 20 ans et on sent bien que le corps a besoin de s’adapter, j’ai des petites douleurs qui apparaissent de ci et de là même si rien de vraiment grave. Puis après ce mois et demi de footing très cool, avec les premiers rayons de soleil, j’ai commencé à faire timidement des « fractionnés », sur piste, au début en faisant 10x100m de façon empirique, aux sensations, avec un chrono tout simple au poignet pour voir quel temps je parvenais à tenir en moyenne (en faisant d’ailleurs 10x110m car je m’étais planté de ligne de départ). A partir de ce temps moyen, j’ai déduis au pifomètre, méthode « grosso merdo on verra », une allure à tenir sur 10x200m En parallèle, j’augmentais la durée de mes sorties du WE pour petit à petit espérer leur donner le statut de « Sortie Longue », incontournable de tout coureur à pied. Je rajoutais ainsi 5 minutes à chaque sortie en partant de 45 minutes, durée initiale de mes sorties dominicales. J’ai fouiné aussi sur internet, beaucoup, pour voir comment construire « mon » plan, quelles séances indispensables, comment c’est foutu un stade d’athlétisme, comment on doit comprendre tous ses marquages au sol, comment on doit courir, s’échauffer, s’étirer, se préparer. J’avais finis par bricoler un plan en 8 semaines (autant pour le plaisir d’y penser, moins pour celui de performer, dans ma tête aucune performance particulière à espérer, juste ne pas fumer). Mon plan mélangeait fractionné et SL, en commençant donc par du 100m pour augmenter progressivement les distances courues « vites », tout en restant dans un volume abordable pour un débutant : pas plus de 3000m. Donc 10x200m, pendant deux semaines, puis 6x400m une fois pour ensuite faire 3x1000m et clore ainsi 4 semaines de « développement générale » comme recommandé par le site conseils-courseapied.com que je consulte régulièrement pour comprendre ces termes barbares seuil, VMA, VO2 Max FCM etc... Je m’achète un livre aussi pour en savoir plus « Running » de Michel Delore. Pas de comparaison possible avec une autre littérature du même type mais je le parcoure à chaque fois avec plaisir. Alors que je range mon petit déjeuner et que l’échéance du départ pour les 10kms de l’Equipe approche, je repense encore à mon plan. A chaque entrainement de fractionnés j’au couru plus vite, souvent beaucoup plus vite que prévu (10" plus vite en moyenne au 200m et 400m, 7" plus vite au 1000m). Alors que je redoutai l’exercice, je l’ai trouvé plaisant même si parfois difficile, une sorte de jeu avec soi même. J’ai appris des sensations physiques inconnues, quand ca commençait à être dur, quand ça allait bien, l’importance de la concentration quand on court à allure soutenue et la sanction immédiate du chrono dès que l’on « regarde les oiseaux voler ». J’ai énormément apprécié aussi la sensation de vitesse, le défi et challenge que représentent chaque nouvel entraînement, finir la dernière fraction plus vite que les autres, cette sensation assez géniale de « cylindrée » après chaque entraînement, cette impression que le corps est à 100% de ses capacités… Cette impression d’avoir la forme tout simplement. J’avais ensuite basculé ensuite sur un « développement spécifique » pendant 4 semaines : je vais donc courir 2x2000m à l’allure spécifique visé. Comme ce ne sont que des 2000m, je ne viserai pas 5’30" au km (allure pour finir 10kms en 55’) mais 5’ au km. Dans mon esprit, je ne sais pas pourquoi, ça compense. Je me dis que si je tiens 5’ au km sur 2x2000, je tiendrai peut être 5’30" sur 10kms d’un bloc ? En y repensant là aussi dans ma cuisine avant de partir pour la place de la Bastille passant l’éponge sur la table pour enlever les traces de mon passage, j’ai tenu l’exercice sans trop de problème. Bien sur j’allais bien plus vite que lors de mes footings, bien sur mon cardio était plus élevé, au début, un peu dur de tenir une allure qui ne soit pas du footing puis ensuite ca allait mieux, le corps acceptait… En parallèle, j’ai augmenté la durée de mes SL jusqu’à courir 1h20 chaque dimanche matin en variant désormais mes balades, Suzanne Lenglen parfois, île St Germain sinon juste les quais et le Champ de Mars. Quand je le pouvais je rajoutais une troisième séance voire une quatrième. Cette année est une année de chance, le mois de mai ayant été plutôt un mois « à pont » ! J’ai pu donc régulièrement rajouter des footings conclues par de la préparation physique générale, PPG comme ils disent (la France, l’autre pays des acronymes !) : pompes, gainages, « dos au mur », abdos, re-pompes, re-gainages… j’ai été béni il a fait plutôt beau quand je courrai le matin, j’ai été assez peu embêté par la pluie finalement quand j’y repense. Mais foin de pensée, il va falloir y aller, passage obligé au toilette puis je prends mon sac, enfile ma veste de pluie qui servira à me réchauffer après la course et mes petites affaires, bouteille d’eau, tshirt de rechange, carte de métro etc… Même ce matin du dimanche 23 juin à 8h il fait un temps plutôt bon. Il a pas mal plu cette semaine d’avant course, encore la veille alors que j’avais sorti les enfants au Salon du Bourget. Mais ce matin, les dieux du running sont apparemment avec moi car il fait beau, et je vais faire ma première vraie course à pied avec mon premier dossard. Je sors et ferme doucement la porte, mets ma veste coupe vent et rejoins le métro d’un bon pas. Arrivé à Concorde, changement de station, changement d’ambiance. Beaucoup plus de baskets, de shorts et de survêtements immédiatement. Des T shirt rouge aussi, le métro prendrait presque des allures de vestiaires de stade, on sent d’ailleurs les usagers plutôt surpris par cette invasion de sportifs dans le métro. A Bastille, c’est une horde de coureurs à pied qui libèrent les rames du métro jusque là encombré. Je me sens tout intimidé et même temps parfaitement ravi d’être là. J’essaye de trouver la consigne pour déposer mon sac, essaye de voir si on peut encore visiter le village mais non, interdit, réservé aux VIP ! Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, je vais m’occuper en allant faire la queue devant les guérîtes en plastique qui servent de toilettes. Une file d’attente conséquente attend, il est 9h passé, j’espère que je ne vais pas bêtement me mettre en retard mais cela va finalement assez vite. Lorsque je sors et reviens place de la Bastille, je grimpe sur les marches de l’Opéra pour apprécier la vue d’une place libérée des voitures et occupé par ce qui ressemble à une marée de Tshirts rouge ! Je redescends et voyant qu’il est bientôt 9h30, je décide de partir pour la place de l’hôtel de ville et donc de commencer à m’échauffer. Je suis donc la file de coureurs qui rejoignent la place de l’hôtel de ville en joggant. Assez géniale de courir avec pleins de monde comme ça. Assez génial et plutôt très motivant comme sensation avec ce grand flux de coureurs qui traverse la ville ! Arrivé sur place, je repère mon sas, tourne autour, m’échauffe un peu puis vingt minutes avant le départ rentre dedans et commence à avancer un peu pour ne pas être trop loin d’un meneur d’allure 55’ auprès duquel je n’arriverai jamais à me trouver. A la place, la foule qui s’agglutine et la musique qui commence, le speaker qui est à fond et qui présente « Kiliaaaaaaaaaaaaaan Jornet » qui nous annonce qu’il va courir tranquille, on fait encore quelques mouvements, je vérifie mon cardio qui ne trouve pas mon cœur le con, mon appli Runkeeper que je mets sur pause (grosse connerie de laisser sur pause) et j’attends. Le coup de feu du départ retenti ca bouge peut être un peu là tout devant mais pour nous que dalle. On attend. On piétine. On avançotte. On attend. Encore. Finalement après quinze minutes de piétinements, nous avancons un petit peu puis un peu plus régulièrement. Mon cardio trouve toujours pas mon cœur, je commence à me demander si ca va se régler cette histoire, je le réinitialise mais que dalle, il mouline dans la semoule à fond les ballons. Et pendant ce temps, de piétinement en marche, je sens que je me rapproche tout doucement du départ. Encore quelques mètres et je vais arriver au croisement du Boulevard de Sébastopol et voir l’arche de départ. Ca y est j’y suis, je la vois cette arche de départ mais pétard elle est super proche, coup d’œil à mon cardio yes il a trouvé, attention, ca va partir, ca y est on est lancé, ne pas oublié de lancer le chrono, je mets le doigt sur la montre, chrono lancé Et commence à slalomer. Je lance aussi runkeeper qui était sur pause. Et je cours et double. A droite, à gauche, je sais pas j’ai l’impression que ca se traine un peu devant moi. Je pensai viser un peu plus de 5’15 pour les deux premiers kms mais là je ne pense à rien d’autre qu’à m’extraire de cette foule compacte qui m’empêche de courir. Un coup d’œil à droite et je vois un vétéran au cheveu d’argent qui file sur le côté avec l’aisance du vieux grigou qui sent le bon coup. Je vais le suivre. C’est doués les vieux dans les files d’attente, ils sont malins ils repèrent tout de suite l’espace libre, c’est qu’ils ont pas de temps à perdre eux, ils rigolent pas avec le chronomètre, c’est fini, ils laissent ça aux jeunes. Plus de pitié avec le temps qui passe... Blague à part, il a l’air d’avoir une bonne petite foulée mon vétéran. Et de l’expérience. Je prends la décision de le suivre. Il sera mon lièvre pour les premiers kilomètres. On est déjà bien lancé, je regarde mon iphone qui m’annonce du 5’ au kilo soit plus rapide que prévu et dès le premier kilomètre. Ho pétard je vais me griller, je suis pas censé courir à cette vitesse maintenant là je vais exploser. Mais je me sens bien, mon vétéran avance gaillardement et avec courage je le suis donc sans aucune vergogne. On est déjà au bout du boulevard Sébastopol et mon vétéran fort intelligemment reste à l’extérieur du virage, un coup d’œil me confirme qu’effectivement, à la corde ca bouchonne sévère. On reste à bonne allure et arrivons ensuite Boulevard St Martin, je continue à suivre mon vétéran malgré une allure encore plus rapide. Je n’ose pas regarder mon iphone, un coup d’œil à mon cardio, je suis juste en dessous de 175 pulsations minutes, ca va encore mais faut que j’arrive trop haut trop vite. Alors on se concentre sur la respiration, le rythme et la foulée. tranquille, détendu, je regarde autour de moi et n’entends que des respirations… Impression d’être dans un gros poumon qui inspire et expire, sorte de respiration par résonance qui s’installe entre tous les coureurs, c’est vraiment marrant comme impression. On attaque le deuxième km après la magnifique place de la république, puis une montée, on double encore pas mal de coureurs. On arrive boulevard Voltaire et je sens mon vétéran qui ralentit. Moi je me sens encore bien mais sagement je reste pas loin dans la même foulée. Pas longtemps. Je piaffe. Je me sens bien, les jambes bien, le souffle bien. J’hésite. Je le lâche ou pas ? Je prends le risque ou pas ? Quelques tergiversations et je décide. En avant toute, je lâche mon vétéran, merci vieux tu le sais pas mais tu m’as filé un bon coup de main. J’accélère doucement, en respiration contrôlée et me retrouve à suivre un autre coureur qui avance à la même vitesse que moi. Je continue, un coup d’œil au cardio, je m’approche des 180 mais bon ca passe encore. Nous continuons ainsi, avançons en doublant encore d’autres coureurs avec une allure régulière. Je me concentre sur ma respiration. Nous passons ainsi les kms 3 puis 4 et arrive l’arche des 5 kms que je distingue au loin. Nous continuons à progresser en doublant régulièrement. Tout à coup des photographes, à peine le temps d’esquisser un vague geste et un sourire qu’ils sont déjà derrière moi. Nous passons l’arche et je vois le ravitaillement sur le côté. J’y vais ou pas ? Il a l’air salement loin de la trajectoire, ca ferait un détour et je me sens bien. En même temps un coup d’œil au chrono, je viens de courir 5kms en 24 minutes et quelques, je regarde pas attentivement… Jamais couru aussi vite et aussi longtemps de ma vie. Je vais surement exploser au km7 il parait que tout le monde explose au km7. Y a pas de raison que je fasse exception… allez j’y vais sinon je vais le regretter, je fais un détour, une passe de torero pour éviter une coureuse qui repart un peu sèchement sans regarder, je crois qu’elle m’insulte aussi mais je m’en fous, c’est ma première course moi madame… Je prends une petite bouteille d’eau au vol et regrette instantanément d’avoir fait ce détour. J’ai perdu mon lièvre. P… Je suis seul. Je bois quelques gorgées dont je n’avais pas vraiment envie en fait et continue en essayant de ne pas glisser sur les bouteilles par terre. C’est dingue il y a des grandes poubelles quelques mètres plus loin et tout le monde jette ses saletés par terre. Suffit de faire quelques mètres, un petit lancer, panier à 2 points et c’est nickel mais non. Des gros gorets, on est des gros gorets… Enfin, je jette ce qui reste de ma bouteille dans une des immenses poubelles mis à disposition et avance pour sortir de la place de la Nation. Je suis seul. Je dois finir seul ces 5kms et me débrouiller pour exploser à peu près proprement vu le rythme pris au départ. Une rue, un virage à droite et j’arrive dans une petite descente fort bienvenue. Un coup d’œil au cardio, comme je le craignais, je suis à 185, je regarde même pas l’allure, faut que je gère car je vais exploser. Forcément c’est obligatoire. Les 5 premiers kilomètres en 24’ et quelques ca fait…. J’essaye de compter mais je n’y parviens plus trop, en tout cas ca fait moins de 5’ par km. Plus de 12kms/h. j’essaye de ne pas trop réfléchir et surtout de continuer à avancer en contrôlant ma respiration pour faire baisser un peu ce cardio. A la fin de la descente courue sans se trainer mais sans se précipiter je suis revenu à 180, ca va un peu mieux. J’ai pas vu le panneau km7. On en est où là ? Virage à droite sec à nouveau, plusieurs centaines de mètres, j’entends un groupe jouer de la musique, je les applaudis en passant, faut toujours applaudir les groupes en plus ils jouent pas trop mal vraiment. Tout à coup une petite pluie fine qui tombe. Elle arrive à pic celle là. Elle me rafraichit idéalement. On passe sous une autre arche qui m’indique km 8. Km 8 ? déjà, je suis comment au cardio ? un coup d’œil, je suis à 185 mais là c’est moins grave. Il reste 2 kms, je regarde pas le chrono, tout ce que je veux c’est gérer. Pas exploser. Si j’ai pas encore explosé c’est que je vais bientôt le faire. Mais je continue. Je me sens bien en fait. Ca va plutôt bien même. Pas mal aux jambes, le souffle ok, je me sens vraiment nickel. Et je continue à doubler du monde. Dont un gars à ma gauche en Tshirt jaune fluo qui souffle méchamment, ses pieds tapent l’asphalte lourdement. Il a l’air au bord de la rupture mais il continue le corps penché en avant comme s’il avançait sous l’effet d’une poussée déjà vieille de quelques kms,s on corps n’y croit plus mais sa tête veut y croire . Je sens sa respiration derrière moi. Il s’accroche le bougre. On arrive au pied d’une montée qui a l’air significative. C’est pas un faux plat là. C’est la montée de l’avenue Daumesnil. Attention, pas s’emballer, un coup d’œil au cardio, suis à 188 et quelques, je ralentis doucement, en position pour monter à petites foulées… Le Tshirt jaune fuo s’emballe et me dépasse en faisant des bruits de palme avec ses baskets. Je le sens jubiler intérieurement. T’inquiètes bonhomme, vu comme tu souffles, je vais te régler ton compte dans quelques dizaines de mètres bien proprement. Arrivé à la fin de la montée je reprends mon allure et le redépasse, pardon le dépose au train. Je vois le panneau du km9 arriver mais je sens aussi mon souffle se bloquer et une boule s’installer dans mon torse là sur mes poumons et au pied de ma trachée à la naissance de ma gorge. Je la connais cette boule. J’aime pas cette sensation. Elle a un chiffre cette sensation. Elle a aussi une couleur. Le chiffre c’est 190 quand je regarderai mon cardio et la couleur c’est rouge, comme mon visage doit l’être. Je l’ai déjà connu cette sensation quand j’ai couru ma deuxième série de fractions de 200m à fond encore plus vite que la précédente. Quand j’ai fait mon dernier 1000m de ma série de 3 le plus vite possible elle est aussi apparu. Cette boule elle me dit que je rentre en zone rouge. Que je vais m’approcher de ma FC Max, estimée à 195, la fréquence cardiaque la plus haute atteinte lors de mes exercices de fractionnés. Mais c’est normal. La zone rouge sur le dernier kilomètre d’un 10km je me dis que c’est pas anormal surtout quand tu viens de courir plus vite que tu n’as jamais couru. Tout le monde dit qu’un 10km ce n’est pas si facile que ça quand tu le cours vraiment. Qu’au départ tu inspires et que tu n’expires que l’arrivée passée. Le cardio confirme la boule qui s’installe et prend toute la place dans ma gorge et dans mon torse, sur mes poumons. Pas grave, je dois gérer un peu et dès que j’aperçois un peu l’arrivée, tout lâcher et courir aussi vite que je le peux. Mais bon sang elle est où cette arrivée, je la vois pas, je devrais la voir là, c’est le dernier kilomètre, c’est pas possible que je la vois pas. C’est pas elle là, non ? Elle est où putain ? Elle est là juste après un virage. Je la voyais pas elle était cachée par la foule et un bâtiment à moins que ce soit un arbre, je sais plus. En tout cas il ya foule, tout le monde tape avec ses trucs gonflables et crie, y a du bruit, un speaker qui borborygme au micro et moi je sens mes jambes qui poussent et j’accélère, je croise une fille en coup de vent, je me souviens que de ses cheveux, j’ai l’impression de filer à toute vitesse, mes jambes battent furieusement le bitume, ma tête tremble sur ma nuque comme un culbuto au rythme de mes jambes qui s’agitent frénétiquement, tes bras, bouge tes bras, c’est tes bras qui te font sprinter. Je double du monde, j’ai l’impression de filer comme le vent. Je passe l’arche, je vois les tapis, j’arrête le chrono. Un coup d’œil. Puis un deuxième coup d’œil à mon cardio au poignet. 48’46" Sub50’. 48’46" pour ma première course. A 38 ans, après 3 mois de course à pied et 8 semaines d’entraînements. Mieux que toutes mes espérances. Un truc de dingue. C’est énorme je lève les bras au ciel en signe de victoire car j’ai gagné. Je suis super content, sur un petit nuage. Sous les 50 minutes à ma première course. Et je me sens super bien en plus, mal nulle part. J’avance car des mecs encapuchonnés nous font bouger pour ne pas bouchonner la ligne d’arrivée… 48’46" mais c’est pas possible. Il ya du avoir une erreur. Je regarde à nouveau mon chrono puis mon iphone tiens je l’avais pas arrêté lui et il m’indique 1h15 de course. Ha ba oui, je l’avais lancé dans le sas et mis sur pause. La pause en fait ca fait pas pause donc. D’accord, bon à savoir. Et puis j’ai presque plus de batterie forcément. Je prends du ravitaillement, eau, banane, eau encore et bois, et bois encore car j’ai super soif en fait. Je me sens rouge écarlate maintenant, impression que je vais exploser, je sue même plus ! Je reste un peu mais je suis pressé de rentrer et d’annoncer ca à la petite famille. 48’46", j’en reviens pas, le meilleur cadeau qui pouvait m’encourager dans l’arrêt du tabac et clore en beauté ces premiers mois de bonnes résolutions... Après avoir récupéré ma médaille et mon sac, je me dirige vers le métro en annonçant le résultat à la petite famille par sms puis mon portable, batterie vidée s’éteint. L’après midi, je verrai les résultats officiels. 48’42" au lieu de 48’46". Juste énorme. Mais maintenant plus d’excuse. J’aime la course à pied et faut que j’améliore ce premier chrono. Donc objectif 45’… Obligé maintenant…Si vous avez aimé cet article, vous aimerez surement ceux-ci :