FINISHER DES 80KM DE L’ECOTRAIL DE PARIS 2016
Ami lecteur, si tu n’as pas 5 minutes devant toi, passe ton chemin, j’ai été bavard sur ce coup làEn course à pied, la distance marathon reste la référence. Mais au-delà bien d’autres distances existent. Des trails de 15, 30, 35 km jusqu’à des 160 et bien plus dont je ne connais même pas encore l’existence avec plus ou moins de dénivelé (tu sais c’est le truc qui dit si ça monte ou si ça descend mais ce n’est pas plat).
Il y a quelques mois, pour fêter mon passage dans la team vétéran, je décidais de dépasser la distance mythique de 42km. Mon choix s’est vite porté sur les 50km de l’ecotrail de Paris pour sa proximité et sa relative facilité (trail "plat" par rapport à ceux de montagne). Puis discussions et réflexion faisants, je me suis retrouvé avec comme cadeau d’anniversaire une inscription pour les 80 kilomètres. Rien que ça !
Bien entendu à ce moment-là, j’étais bien loin d’être sûr de réussir à les terminer. Si cela t’intéresse, mes doutes et ma prépa sont détaillés ici.
Au cours de ma préparation, avec une bande de copains, je me suis tout de même retrouvé à faire les 45km du trail Glazig dans un chouette coin de Côte d’Armor. Exploit à lire ici. C’est ainsi que je me retrouve en ce samedi matin du 19 mars 2016, grelotant de froid, en short et avec mon barda de 5kg contenant boissons et trucs à grignoter énergisants. J’y croise les copains qui courent eux aussi. Il y a aussi des supporteurs de choc de présent.
12h15 tapantes le départ est donné. La joëlette est partie 5 minutes avant nous. Le speaker nous a prévenus de la contourner sans les gêner, en la doublant. Je ne la verrai jamais, certainement arrivée bien avant moi. Vu certains passages, bravo, c’est un sacré exploit que remplissent là les accompagnateurs.
Nous voici donc en train de parcourir la base de loisirs de Saint Quentin en Yvelines. Le terrain est plein de trous et il faut faire gaffe aux chevilles. Au bout de 5 minutes le premier tapis de chronométrage forme un mini bouchon. Zut on a couru pour rien jusque-là ?!! Et mon chrono alors ???? Chaque seconde est primordiale à mon rythme ^^ !
Je rigole, je m’en fous totalement du chrono même si je mets 1/4h de plus. Bien au contraire, je me freine. Le cardio est déjà trop élevé (entre 145 et 155 de FC) alors qu’il faudrait idéalement que je sois en dessous des 140 pour rester en zone d’endurance fondamentale. C’est bien un paramètre qui m’a étonné tout du long de la course , cette fréquence cardiaque. Assez haute au début, elle a monté avec sa dérive normale, puis étrangement a rebaissé. Je pense qu’en fait ayant ralenti inévitablement sur la fin avec une alternance marche course, le rythme cardiaque était plus bas de fait.
A la sortie de la base de loisirs, on traverse une des cités de barres d’HLM pour enjamber une 4 voies. Ce n’est pas un des meilleurs passage de la course. Je pense être déjà en fin de peloton voire en début de la queue de fin. Je me sens relativement bien même si je pense que j’aurais pu être plus frais que ça. A mon niveau, une participation à un 45km quelques semaines avant sans m’autoriser de repos à l’issue fut une erreur. Mais bon en même temps cela m’a permis de me dépasser et de me faire plaisir, ce qui est l’essentiel. J’arrive ainsi au premier ravitaillement de Buc. Je suis classé 1687è sur 1787. Donc 100è en partant de la fin. J’ai parcouru 23km en 2h45 avec 246m de D+, c’est à dire du 8,41km/h. J’aime la précision de ces chiffres qui n’ont rien d’humain mais qui reflètent tout de même la réalité.
Ce ravito me fait bizarre, je m’étais plus ou moins mis en mode auto. Le fait croiser du monde hors course, de leur parler me fait un choc. J’en profite pour ingurgiter des cacahuètes. Il n’y a plus de saucisson ni de fromage, l’inconvénient des tortues comme moi, tout le monde est déjà passé avant. J’absorbe d’autres choses dont je ne me souviens plus. J’en profite pour attraper 2 gels boost et je mange également un demi sandwich jambon beurre.
J’en profite également pour remplir la gourde d’eau pure. J’essaie de compléter également la poche à eau mais elle est encore trop pleine de mon mélange magique (moitié eau, quart jus de raisin, quart café, sel, magnésium, gluconate de potassium, sirop de cassis pour le sucre). Cela me fait apparaître que je ne bois pas assez.
Ça repart et j’ai un peu de mal à me remettre dans la course. Je me force à boire. Le prochain ravitaillement est dans 22 bornes et encore il n’y aura que de l’eau là-bas. J’ai les jambes de plus en plus dures. J’arrive à avancer mais me focalise trop sur le manque de fraîcheur de mes jambes. Les échanges de sms et appels font du bien. Discuter avec les autres coureurs aussi. A chaque fois j’ai l’impression d’être un newbie. Untel a déjà fait 3 fois l’ecotrail, untel autre a fait la saintelyon, encore un qui a fait des 160... et moi, c’est ma première participation, la première fois que je prévois de faire autant de kilomètres. Ai-je vraiment ma place ici, face à ces élites ? Je pense que c’est sur cette période que j’ai eu le plus de mal. Le moral reste bon tout de même et me suis posé une seule fois la question de ce que je foutais là. Bien boire régulièrement aide beaucoup. Le truc c’est que dès que les jambes vont un tout petit mieux, j’oublie de boire, du coup ça redevient un peu dur et il faut refaire l’effort de rester concentrer.
En fait, l’ecotrail se joue essentiellement sur cette partie. Il y a beaucoup de dénivelé et les côtes sont bien casse pattes même en les montant en marchant lentement. J’arrive tout de même à relancer dès que le cardio redescend en dessous des 148. Je me fais plaisir dans les descentes et commence à doubler.
Au final, j’ai peu de souvenirs de ce passage : du sous-bois, longer une 4 voies, replonger au cœur de la forêt, admirer les bouleaux, observer la mousse pousser sur les arbres, contempler les cabanes de rondins et imaginer les enfants jouant là. Tout se mélange un peu à présent dans ma tête, je ne sais plus très bien à quel moment et dans quel ordre ceci a eu lieu.
J’en profite également pour recharger la montre car je sais qu’elle ne va pas tenir jusqu’au bout avec ses 6/7h d’autonomie. Tout en courant, j’attrape la petite batterie (merci le taf pour ce précieux cadeau) dans le sac à dos, je desserre la montre pour passer le support de charge entre elle et mon poignet. Bip... bingo ça charge !!
Ravito en eau de Meudon. 45è km, 6h15 de course. Il y a un peu de monde. Certains sont assis. Je fais le plein du bidon et m’apprête à repartir quand j’aperçois Nga. Elle n’ a pas l’air bien et souffre d’une crampe à l’estomac. Je l’encourage mais elle refuse d’accepter le challenge que je lui propose : celui de finir. Elle veut se changer alors que je sais que l’on m’attend plus loin. Il est 18h30 et la fraîcheur commence à bien se faire sentir. Je repars donc sans elle. J’envoie des messages pour que l’on puisse l’encourager par téléphone. Encore maintenant je ne sais pas si elle a pu finir.
Allez go on repart à l’assaut de l’observatoire de Meudon. Environ la moitié du dénivelé est parcourue. Mes manchettes me saoulent, je ne parviens pas à les faire rouler. J’ai chaud / froid, mon t shirt est trempé de sueur.
Heureusement, arrivé au 48è juste en haut de l’observatoire, je vois mon super groupe de supporters, ma petite famille au grand complet. Ils ont tous mis un t-shirt floqué à l’effigie de la Normandie. Ça me fait chaud au cœur, surtout venant de bretons dans l’âme comme eux. J’en profite pour changer de t-shirt et en mettre un avec des manches longues plus chaud. J’avale également des tucs et surtout un comprimé de paracétamol pour m’aider à évacuer la fatigue des jambes. Je crois que ces moments dans une course sont vitaux. Tu t’accroches à eux comme une bouée. Tu n’as que ça à l’esprit, retrouver les tiens. Lire leur joie et leur fierté sur leur visage. Je crois qu’ils étaient presque aussi contents de me voir que moi. Après quelques mètres à courir en leur compagnie, il faut repartir, ne pas se refroidir.
Mon nouveau t-shirt me compresse fort. Un point de côté apparaît. Pourtant un passage venteux me fait comprendre que je suis bien protégé et n’ai plus froid. Je me sens en pleine forme et avance bien. J’ai la patate et double encore beaucoup aussi bien en montée qu’en descente. C’est le meilleur moment de ma course. Celui pourquoi je suis venu spécialement. Je me sens libre et heureux. J’écoute les oiseaux chanter ce qui est toujours synonyme de bonheur pour moi.
Ça ne dure pas suffisamment longtemps à mon goût et la nuit s’installe. A droite à gauche on commence à sortir les frontales. La mienne est au fin fond de mon sac et je n’ai pas envie de m’arrêter pour m’équiper. Je me dis que je m’en occuperai à Chaville. Mais force est de constater que cela devient trop dangereux. Repérer les racines, pierres et autres bosses devient impossible même avec un coureur lumineux à côté de moi. Alors tout en trottinant je parviens à jongler entre le sac à la main, gérer la descente, chopper la lampe, hop hop hop en quelques mouvements c’est fait. En plus j’ai mon brassard lumineux du marathon de Bordeaux que je mets en mode clignotant bleu dans mon dos. J’espère que cela n’était pas trop éblouissant pour les autres coureurs. Personne ne s’est plaint en tout cas.
Même avec la lumière, je continue de trébucher sur les obstacles du parcours. De jour déjà ça me le faisait. J’ai un peu moins la force de lever le pied plus haut que nécessaire. La hantise de la chute apparaît. De simples égratignures et surtout l’onde de choc peuvent te gâcher le plaisir. Heureusement, j’y ai échappé.
Chaville, 20h. LE ravitaillement.
Il y a de la soupe chaude, du pain, du saucisson, des tucs, des raisins,... de quoi se faire pêter la panse. Ne surtout pas céder aux sirènes de la tentation. Je ne prends que des trucs légers à digérer. Et je remplis mes poches de pâtes de fruits et autres barres. Il apparaît clairement que j’ai bien trop à manger sur moi, mais la peur de l’avenir me fait toujours faire des provisions tel un petit écureuil. Pour preuve j’ai à peine grignoté mon sandwich que j’ai dans le sac.
Après débrief post course, je m'aperçoit que je me suis tout de même arrêter 15min à Chaville.
Zou on repart ! J’ai 1h30 d’avance sur la barrière horaire. Mais il faut quand même ne pas chômer. Un coup de mou est si vite arrivé qu’il te faut tout de suite beaucoup de temps pour finir. Il reste un peu plus de 20km et je sais déjà que je finirai, sauf gros pépin.
Les coups de fil s’enchaînent, j’ai par contre plus de mal à répondre aux sms. Avec la nuit, la lumière du téléphone est aveuglante et il est impératif de rester concentré. Des passages en milieu urbain sont agréables. Je descends à fond les ballons les côtes que certains peinent à appréhender. C’est méchant pour eux mais quelque part ça fait plaisir à mon ego.
Il fait nuit, il fait froid et je ne vois pas où je pose les pieds. Je ferme mentalement les yeux et je continue d’avancer. J’avance, je cours, je vis... j’ai en point de mire le 63è kilomètre, à l’entrée du parc de Saint Cloud avec sa barrière horaire de 23h. En même temps je ne sais plus quelle heure il est. Je franchis le 64è puis le 65è sans me rendre compte que je suis déjà dans le parc. C’est un coureur qui me dit qu’en fait on y est déjà. Je ne sais pas pourquoi je m’attendais à un ravito ou au moins un tapis de chronométrage à ce moment-là.
Le parc de Saint Cloud est vite avalé. J’arrive au ravitaillement du 67 à 22h. J’ai 1h30 d’avance sur la barrière. Je commence secrètement à m’en fixer une autre : arriver à la tour Eiffel avant minuit. Il y a quelques coureurs ici et là qui s’assoient, qui tapent la discute ou s’étirent. Je décide de ne pas m’éterniser. Je suis bien et ne veux pas me refroidir. Je chope du fromage et des tucs que je m’en vais manger tranquillement en marchant.
Sur ces derniers kilomètres la tour est parfaitement visible au loin. En sortie de parc, je croise Steph venue m’applaudir. Ça me fait plaisir car j’avais perdu l’espoir de la voir. Elle n’a pas pu résister à mon poumpoum short :-P
On enquille alors sur de l’urbain, on passe par Issy les Moulineaux et c’est glauque. Des zones en travaux. On y croise des voitures. Le balisage s’est largement dégradé depuis pas mal de temps. Non honnêtement ce n’est pas la pire partie du parcours. Même en se rapprochant de la tour, les quais avec les péniches ne sont pas trop sécurisés. Heureusement que j’ai encore suffisamment de lucidité pour grimper sur les trottoirs quand il faut, sans me tordre une cheville. (Les exercices de proprioception quand tu te brosses les dents ça a du bon).
Les derniers kilomètres s’enchaînent même si l’envie d’en finir est présente plus par manque d’intérêt sur cette fin de course que par fatigue. Heureusement, j’ai mon père au téléphone qui va m’accompagner jusqu’au premier étage de la dame de fer. Je retrouve mes supporters favoris sur les quais. Ils viennent de ressortir du restau (les salauds ! :-) ) Moins de deux, j’étais passé qu’ils n’avaient pas le temps de prendre leur dessert !! Ils ont encore la force de faire quelques mètres avec moi. Je ne m’arrête pas, il reste moins de 2km à faire et je veux arriver avant minuit !
On monte les marches du pont de Iéna et on se retrouve dans la foule de touristes, supporters, finishers, marchands ambulants pêle-mêle. Ça fait drôle. Un petit tour sous la tour, passage devant les caméras et hop c’est parti pour une grimpette de 360 marches je crois (pas eu le temps de compter). Je m’offre le luxe de doubler au moins 6 concurrents par l’extérieur et récupère la corde dès que possible.Voilà ! Ça y est c’est fini. Finisher !! J’en oublie d’arrêter mon chrono et c’est mon frère qui m’y fait penser. Une médaille et un super tshirt de finisher rouge et noir, trop beau, me sont remis. On a même le droit à un verre de bière. J’en ai bu une petite moitié. Ça caille là-haut. Vite redescendre retrouver les siens. Récupérer le sac à la consigne est vital, faut pas chopper froid (sauf que l’on est jamais malade de froid, n’est ce pas ;-) ) Quand j’arrive chez les kinés, le mec rigole tellement j’ai de couches de vêtements à enlever avant de pouvoir m’allonger sur sa table de remise en forme.
Un grand hip hip aux organisateurs pour deux choses (parmi tant d’autres). Les lasagnes à l’arrivée étaient succulentes et la poche à déchets remise avec le dossard est une super bonne idée, je la garde pour mes prochaines expéditions. Légère et pratique j’ai pu y glisser facilement mes emballages vides et à part quelques détritus certainement perdus par les participants, la pollution humaine engendrée par la course est très peu visible. Un grand bravo à tous. Merci beaucoup à tous pour vos messages, vos appels, vos notes d’humour. Merci à ma famille et à tous mes proches qui m’ont accompagné et soutenu pendant ces trois mois de préparation. Sans vous cette victoire n’aurait pas été possibleNota pour les potes barefooter : J'ai fait ce trail en maximalistes, les minimalistes m'ayant brulé les pieds sur le trail Glazig et le manque d'entrainement en pieds nus étant proche de zéro en cette sortie d'hier, j'ai préféré.
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