LE MARATHON DU COMEBACK
Il y a mille raisons qui peuvent nous pousser à prendre le départ d'un marathon au delà de la passion de courir.Mille raisons aussi qui vont nous pousser jusqu'à la ligne d'arrivée En choisissant de prendre le départ du Marathon de Paris après une blessure fin janvier (une fracture de fatigue à la tête du péroné droit), 6 semaines d'arrêt et moins d'1 mois de prépa, je savais que ça serait dur, même si je comptais utiliser mon expérience de la distance (6 marathons déjà courus) et de l'épreuve (déjà 2 participations au MDP) et surtout, mon mental.Après avoir déjà renoncé au Marathon de Barcelone il y a 1 mois, il était hors de question que je ne prenne pas le départ de celui de Paris, surtout étant sur place. Puisque mon médecin estimait qu'en faisant attention, je pouvais tenter, j'étais bien décidée à y aller et être FinisherDurant les 4 courtes semaines de prépa qui ont précédé, j'ai donc multiplié les "petites" sorties (10-12km) et 3 SL (2 d'environ 21-22km et une de 27km). C'est beaucoup plus court que ce que les SL que je fais habituellement lors de mes prépas mais je ne voulais pas prendre le risque de me blesser à nouveau en faisant plus.Je n'ai en revanche effectué aucune séance de fractionné mon médecin estimant que c'était trop violent pour une reprise.J'ai donc abordé l'épreuve un peu en touriste, en gardant tout de même un mince espoir de réaliser un chrono proche des 4h ce qui me faisait partir beaucoup plus lentement que lorsque j'essaye de réaliser un RP trop ambitieux pour moi. En ne partant pas trop vite, j'espérais arriver à maintenir l'allure toute la course.Les jours qui ont précédés le marathon, l'excitation était immense et croissante, surtout habitant sur place et voyant la mise en place de tous les préparatifs, ajoutée à l'émulation collective de tous les futurs participants sur les réseaux sociaux.Excitation encore renforcée en allant chercher mon dossard le vendredi au Salon du Running, lieu qui nous plonge vraiment dans l'ambiance. Et puis, une fois qu'on a le dossard entre les mains, tout devient vraiment concert. Je pense que tout marathonien a déjà vécu ce mélange d'angoisse et d'impatience qui précède le départ. L'envie d'en découdre avec le bitume mêlée à la crainte de ce qui nous attend et celle de ne pas atteindre la ligne d'arrivée.A vrai dire, j'ai été assez détendue jusqu'à la veille au soir tendant plus vers l'impatience mais, comme s'il fallait me forcer à stresser pour faire "comme tout le monde" la pression a commencé à monter sans oublier l'éternelle peur de ne pas entendre le réveil.Je prépare mes affaires dès le vendredi soir. Vues les prévisions météo, j'ai opté pour le short et le débardeur. J'hésite encore à mettre des manchettes (non,non, pas de machettes pour écarter mes futurs concurrents !!!) ne les ayant jamais testées sur une telle distance.iPhone et iPod réglés sur 5h, mais aussi 5h05, 5h10, 5h15 ... pour plus de sécurité (la fille pas stressée du tout, hein ???), j'ai finalement passé une nuit courte mais sereine.Sonnerie du réveil à 5h (oui, oui, je l'ai bien entendue !!!) et une grosse boule au ventre. J'essaye cependant de prendre mon P'tit Dej le plus sereinement possible (c'est mieux pour la digestion) et de me préparer tranquillement. C'est pour ça que j'ai mis mon réveil aussi tôt : ne pas être stressée par le chrono avant même le départ de la course !!!Départ pour les Champs Elysées vers 7h. Ma cheville me tire beaucoup. Ça n'a rien de nouveau. Des petites tensions vont et viennent depuis ma blessure mais ce matin ça me stresse forcément plus. Il va falloir tenir les 42,195 km !!! En plus, j'ai toujours peur de me blesser à nouveau !!! Du coup, je suis morte de trouille !!!Le métro grouille de marathoniens !!! Les Champs Elysées sont cependant encore bien vides quand je sors du métro pour me diriger vers mon sas. Quelques rares marathoniens sont déjà dedans mais ce sont surtout les bénévoles qui s'y affairent installant barrières et autres ...Je suis bien en avance mais ça me rassure. J'ai besoin de rentrer dans ma bulle pour me rassurer. J'échange quelques mots avec un autre runner avant qu'il ne se rende compte qu'il s'est trompé de sas puis me dirige vers la (déjà) très longue file d'attente des toilettes. L'organisation n'a toujours pas amélioré les choses de ce côté là !!! Seulement 4 toilettes (et quelques urinoirs) dans un sas qui doit contenir plus de 5000 coureurs, c'est vraiment très juste.Durant ma longue attente, @inw_trust vient me faire un coucou. Je lui fait part de mon angoisse face aux petites douleurs qui taquinent ma cheville depuis le matin. Enfin libérée de mon attente, je me dirige vers le milieu du sas où je retrouve @amalicet que je peux enfin rencontrer après l'avoir manqué sur plein d'autres courses. Nous sommes rejoint par @DanRunParisL'ambiance et l'excitation monte dans le sas. Les Élites sont déjà parties depuis longtemps et sont sans doute déjà ressorties du Bois de Vincennes.C'est bientôt à nous, enfin presque !!! Le sas met de très nombreuses minutes à se vider !! Mes angoisses n'ont pas disparu mais j'ai envie d'en découdre.Quelques derniers mots d'encouragement à mes compagnons d'attente et hop, c'est parti !!!La descente des Champs Elysées est toujours un grand moment lors du départ du marathon. D'abord parce que c'est magnifique (la plus belle avenue du monde, hein ???), le public y est très présent et surtout parce que l'on sait qu'on part pour une grande aventure.Le fait de partir dans le sas 3h45 (je me suis inscrite il y a 1 an donc j'allais bien) et qu'ont soit en descente m'aide à me caler assez rapidement à 5,40 au kilo.Kilomètre 1... 2 ... 3 ... l'allure tient toujours, mais mentalement j'ai du mal à rentrer dans ma course. Je suis trop focalisée sur ma cheville qui reste sensible et la crainte de ne pas arriver au bout.En plus, il fait déjà très chaud et je pense que ça va empirer au fil de la course !!!Le public parisien est, comme à son habitude, très présent. C'est l'avantage du marathon de Paris : entre les runners et le public, on n'est jamais seul.Km 5 et passage de Bastille : je garde toujours le rythme mais c'est dur. Je sens bien le manque de prépa et ça se confirme dans la montée du km 8. Mon allure se réduit à 5,45 au kilo et malgré la descente vers la Porte Dorée, je n'arrive pas à relancer.Je maintiens encore à peu près l'allure jusqu'après le km 10 mais je sens que mon rythme ralenti kilomètre après kilomètre.A la sortie du Bois de Vincennes, le public redevient plus nombreux et je commence à vraiment rentrer dans ma course mentalement. Ma cheville est toujours sensible et mes jambes deviennent lourdes. Je sais que ça va être très long jusqu'à la ligne d'arrivée.L'avantage d'avoir déjà couru 2 MDP, c'est que je connais bien le parcours. Un peu comme si je faisais ma SL du dimanche (en un peu plus long bien sur).Mon copain @paulmatwinch me dépasse et me fait une petite tape dans la main. Ça donne un petit coup de Boost au mental. Je lui avait bien dit que, même si on ne partait pas dans le même sas, il finirait bien par me rattraper. Tout à l'air de bien aller pour lui et je le laisse filer car il m'est impossible de prendre son rythme pour poursuivre la course à ses côtés comme nous l'avions envisagé à un moment.On approche du Semi et je sais maintenant que je finirai bien au-dessus des 4h. Le miracle n'aura pas lieu mais en même temps, quand il n'y a pas assez de travail en amont, il ne peut pas y avoir de bons résultats. C'est ce que je dis souvent à mon collégien de fils.Mais je n'ai rien à prouver à personne. Je ne réaliserai pas le chrono du siècle mais quel était bon but 1er quand je suis revenue de ma blessure ??? Juste pouvoir être au départ et donner tout ce que je peux pour passer la ligne d'arrivée. Ce départ, j'ai pu le prendre et pourtant rien n'était gagné il y a 1 mois. J'assistais en spectatrice au Marathon de Barcelone et je n'avais même pas encore effectué mon Run de reprise.Le marathon ce n'est pas qu'une histoire de chrono, même si on se fait plus souvent cette remarque lorsqu'on n'atteint pas notre objectif, parce qu'on ne va pas se mentir : on n'en a tous un !!!Le marathon c'est dépasser ses limites, se battre pour atteindre ses rêves. Chaque kilomètre parcouru nous rapproche de notre but et nous donne envie de ne rien lâcher.Nous avons tous dans nos vies un rêve qui nous paraît inaccessible et pourtant, il compte tellement pour nous que chaque jour nous continuons d'y croire et de tout faire pour l'atteindre.Certes parfois nous baissons un peu les bras, nous nous décourageons en nous disant qu'on se bat pour quelque chose d'impossible, mais les plus belles choses se méritent et ne s'acquièrent pas facilement. C'est ce qui les rend encore plus précieuses.Et aujourd'hui mon but, mon rêve est d'atteindre cette ligne d'arrivée qui à Paris est encore plus magique que sur les autres marathons que j'ai pu courir. Peut être parce que c'est ici que j'ai couru mon 1er mais seulement aussi parce que Paris est magique et que le public nous transporte jusqu'à l'arrivée.Je dépasse un Monsieur qui a inscrit son âge dans son dos : 83 ans !!! Je le félicite pleine d'admiration pour lui et espérant que lui aussi atteigne la ligne d'arrivée !!!Tant de persévérance est un Boost supplémentaire pour mon mental. On croise tellement d'histoires différentes sur un marathon et encore plus lorsqu'on se trouve dans la 2ème moitié du peloton. Pour moi, c'est celle des combattants, de ceux qui vont au bout d'eux même en y mettant le prix (pour ceux qui le font en sub 3h, c'est quand même beaucoup plus facile, non ???) Tellement d'histoires s'écrivent ici, tant de revanches sur les épreuves et les accidents de la vie, sur la maladie, sur le handicap ou seulement sur l'envie d'exister à travers le dépassement de soi.Croire en ses rêves et croire qu'on peut le faire !!!Même si le réflexe est toujours là, je regarde moins souvent ma montre. A quoi bon me focaliser dessus puisque je ne vise plus le moindre chrono.Le passage de Bastille vers le km 23 me paraît moins chargé que lors des autres années où j'avais été très gênée par le public et le rétrécissement du parcours.En revanche, je commence à être très gênée par une ampoule que je sens grossir de plus en plus sur le bout de mon gros orteil. Moi qui n'en faisait jamais, c'est la 2ème depuis ma reprise (est-ce à cause des chaussures neuves - pourtant même modèle que les précédentes - ou de ma foulée que j'ai légèrement modifié de crainte d'avoir mal à ma cheville ???). A chaque foulée, j'ai l'impression qu'on m'enfonce une aiguille dans l'orteil. Je modifie un peu ma foulée pour éviter de ressentir cette gêne. Du coup, un coureur derrière moi crois que j'ai une crampe et viens me conseiller de ralentir pour que ça passe.On arrive sur les quais. Comme pour beaucoup de participants ce n'est pas ma partie préférée. Il y a d'abord l'immense tunnel des Tuileries où l'on perd généralement la réception satellite et ensuite tous les autres tunnels qui, même s'ils sont plus petits, sont très casse pattes.Je me motive pour avancer en me disant qu'au bout des quais, au km 31, ma tribu m'attend normalement ce qui représentera, bien entendu, un énorme coup de fouet pour aller au bout des derniers kilomètres de course. J'ai cependant peur qu'ils aient levés le camp. Mon optimisme d'avant course m'a fait dire à mon mari que je tablais sur un objectif de 4h et j'ai donc plus de 20mn de retard sur mon horaire de passage envisagé. Si l'application de l'iPhone ne lui a pas indiqué mon retard, il se peut qu'ils soient tous partis, pensant m'avoir manqué.Je passe le km 30. Les organisateurs ont avec "humour" installé un grand mur en carton pour nous rappeler que c'est le kilomètre fatidique pour beaucoup de runners.Je ne dois sans doute pas fonctionner comme les autres mais généralement, je me sens mieux après le km 30 car je sais que c'est presque fini. C'est vrai, non ???12 km, c'est une petite sortie pour moi !!!Et l'avantage aujourd'hui, c'est que je suis déjà raide depuis plusieurs kilomètres et que le mur je l'ai déjà pris bien avant.J'approche de la Maison de la Radio et je suis donc à l'affût. J'aperçois un de mes jujus qui tiens Asics, mon ours en peluche rouge (donc facile à repérer) dont j'ai fait l'acquisition pendant ma convalescence. Mon mari et mes autres enfants sont là aussi et m'encouragent aux cris de "Allez Maman !!!". Je leur dit rapidement que j'en bave mais c'est un vrai bonheur de les voir et l'émotion me submerge. Ils me donnent assez de force et d'énergie pour aller jusqu'au bout surtout que j'attaque la montée de Molitor qui pique bien à ce stade de la course. L'an dernier, c'est là que j'ai pris le mur !!! Vu que cette année c'est déjà fait et que la question du chrono ne se pose plus, j'aborde cette montée beaucoup plus sereinement. Il faut bien se rassurer un peu et arrivée en haut, il ne restera plus que 10 km.Je sais aussi que c'est la partie du parcours que j'aime le moins. Je la trouve longue et ennuyeuse, surtout dans le Bois de Boulogne où le public est moins nombreux. On y croise aussi beaucoup de runners qui ont pris le mur et qui marchent, parce que mal en point. Le mental y joue donc 1 rôle primordial !!! Pour ma part, ça fait pas mal de kilomètres qu'il est enclenché, pour ne pas dire depuis le départ.Au passage du Km 33 je sens une tape d'encouragement dans mon dos aux cris de "Allez Eugénie !!!" C'est @narcisse_bouvie que je reconnaîtrai après coup !!!Je poursuis mon chemin. Mon allure s'est encore un peu réduite. FINIR est mon seul objectif !!! Ne rien lâcher parce que ce soit sur un marathon ou pour ce qui compte pour moi, je n'abandonne JAMAIS !!!Si dans la vie on met tout en œuvre pour poursuivre ses rêves, on peut finir un marathon !!!Et inversement, se dire ensuite que si nous avons trouvé en nous la force de finir alors que notre corps nous lâchait, il ne faut pas abandonner nos rêves même s'ils nous paraissent inaccessibles.Un kilomètre plus loin, je fais une nouvelle rencontre dans le peloton des coureurs.C'est @SmoukPanda accompagnée de son mari. Elle me dit que pour elle aussi c'est dur !!! Nous parcourons 4-5 km ensemble et finalement je la distance vers le km 39.La proximité de l'échéance me redonne de l'énergie et me fais un peu accélérer.Bien que dérisoire face à l'effort accompli, ces derniers kilomètres dans le Bois me paraissent interminables avec ses longues lignes droites. Je sais cependant, pour l'avoir déjà vécu 2 fois, qu'à la sortie, c'est MAGIQUE !!!Et encore une fois, mes souvenirs ne m'ont pas trompée.Le public est là en masse pour nous encourager, nous acclamer et nous accompagner sur le dernier kilomètre. J'entends mon prénom plusieurs fois. C'est tellement fort de voir ces personnes pour qui nous ne sommes que des anonymes, hurler notre prénom comme si nous étions de grands sportifs renommés.Un dernier virage et la ligne d'arrivée se dessine devant moi !!! Toutes les difficultés et les souffrances endurées pendant 42km semblent s'envoler face au rêve qui est là, à portée de main ... ou de pieds plutôt !!!Je n'ai même pas besoin de me forcer pour montrer cette joie aux photographes !!! Le bonheur d'avoir réussi mon défi illumine mon visage. Il y a 1 mois, je n'avais pas encore rechaussé mes Asics suite à ma blessure, et j'assistais en triste spectatrice au Marathon de Barcelone, auquel j'aurais du participer.Il était hors de question pour moi de renoncer aussi à Paris. Je prendrai le départ et le finirai !!!4h40'45"Mon plus mauvais chrono sur Marathon mais aujourd'hui, ça n'a aucune importance. Le chrono aurait pu être une satisfaction supplémentaire mais je suis juste heureuse d'avoir fait mon come-back et d'être allée au bout !!!La ligne d'arrivée passée, mes jambes continuent toutes seules pendant quelques mètres. J'ai un peu la démarche des marcheurs athlétiques sans pouvoir vraiment la contrôler !!!Bizarre comme sensation !!!C'est la 1ère fois que ça me fait ça à l'arrivée d'un marathon. C'est sans doute un réflexe nerveux !!!Dès que j'ai repris un peu mes esprits (et que j'ai pu m'arrêter), j'envoie un texto à mon mari et mon fils aîné pour les prévenir. Vue mon heure tardive d'arrivée, mon mari a sans doute du repartir pour accompagner mes Jujus à leur goûter d'anniversaire. Ce sont donc mes 2 aînés qui sont censés m'attendre avec mon sac de change. Et en effet, c'est le cas !!! Il vient juste de partir !!!Je préviens mon fils que j'arrive doucement ... très doucement !!!Et puis il faut d'abord que je récupère mes précieux sésames : le t-shirt Finisher qui, vu sa couleur fluo, pourra me servir pour mes futurs runs nocturnes ou sur les routes de campagnes pour être vue des automobilistes, et bien entendu la Médaille, très très clinquante !!!Je regrette un peu qu'elle ne symbolise pas plus Paris, mais honnêtement lorsqu'on la tien dans les mains, elle est vraiment très belle, et tellement méritée !!!Il y a aussi le traditionnel poncho mais qui aujourd'hui n'est pas très utile vu la chaleur.Je m'arrête aussi au ravitaillement et descends 3 bouteilles d'eau, et 2 bananes.La remontée de l'Avenue Foch me paraît beaucoup plus longue que lorsque j'y cours certains dimanches matin pendant mes SL. Et puis encore faut-il retrouver mes enfants.Mon fils m'a parlé d'une camionnette sandwicherie blanche, sauf que toutes les camionnettes à sandwich sont blanches.Je fini enfin par les retrouver tout près de l'Arc de Triomphe. Avant de quitter les lieux, on immortalise ces instants par quelques photos et selfies, comme beaucoup de Finishers !!!Photos qui viendront s'ajouter à celles prises en course pour me rappeler cette nouvelle aventure.Ça n'aura pas été évident mais je suis encore plus fière que les fois précédente d'avoir fin mon 7ème marathon et mon 3ème marathon de Paris.BILAN DE MA COURSE :Si vous avez aimé cet article, vous aimerez surement ceux-ci :